Le PJD propose une loi excluant les binationaux des postes ministériels au Maroc, suscitant une controverse animée. Cette initiative, perçue comme un retrait d’identité, menace l’inclusivité politique et marginalise les Marocains à l’étranger, aussi essentiels au développement national. Il risque de créer une fracture durable avec la diaspora et contredit la tradition de l’ouverture que le pays s’efforce de défendre.
La Commission de la justice, de la législation et des droits de l’homme à la Chambre des représentants a commencé, le 30 avril 2025, l’examen d’un projet de loi controversé, porté par le parti de la justice et du développement (PJD), qui vise à interdire aux binationaux d’accéder aux postes ministériels. Décapé en avril 2023, cette initiative prévoit une modification de la loi organique n ° 065-13 et vise à conditionner la participation au gouvernement à la détention exclusive de la nationalité marocaine.
Tenir une citoyenneté marocaine exclusive
Au cœur de ce projet législatif, une logique de retrait nationaliste, formulée sans ambiguïté par Abdessamad Haiker, député du PJD, qui a déclaré: «Les membres du gouvernement doivent avoir une citoyenneté marocaine exclusive, sans la double nationalité. Ce discours d’identité, rejetant une partie importante de la diaspora marocaine, ouvre la voie à un sérieux remise en question de l’inclusivité politique dans le royaume.
Cette initiative soulève des préoccupations profondes, d’abord en raison de sa signification symbolique. Il envoie un message d’exclusion aux millions de Marocains résidant à l’étranger, dont beaucoup sont pleinement investis dans la vie économique, sociale et culturelle du pays. Pendant des décennies, le MRE (Marocains résidant à l’étranger) a joué un rôle important dans le développement du Maroc, par le biais de transferts financiers, mais aussi par leur savoir-faire, leur engagement associatif et leur volonté croissante de participer à la gouvernance du pays. Les couper de l’accès aux postes ministériels coûte le refus de leur contribution et de leur attachement au Maroc.
La manœuvre de politiciens destinée à certains ministres?
La réaction d’Omar El Mourabet, ancien membre du Conseil national vivant en France, est révélatrice de l’amertume suscitée par cette proposition. Il dénonce une «grave erreur envers les Marocains du monde», justifiée par des prétextes futiles. Selon lui, cette loi n’est qu’une manœuvre politique ciblant certains ministres actuels, tels que Abdellatif Miraoui, ancien ministre de l’enseignement supérieur, titulaire d’une nationalité étrangère. L’imprécision sur les motivations profondes du projet – entre le règlement des comptes politiques et le désir de séduire un électorat conservateur – accentue la méfiance.
El Mourabet pour contester cela en s’engageant dans cette voie, le Maroc risque de s’isoler et de nier les principes qu’il prétend défendre sur la scène internationale. Le royaume a longtemps mis en évidence la richesse de sa diaspora comme un atout. La constitution de 2011 elle-même reconnaît explicitement les droits politiques des Marocains dans le monde et leur participation à la vie nationale. Une telle exclusion allait donc être une contradiction flagrante avec cet esprit d’ouverture.
Un lien émotionnel profond avec le Maroc
Derrière le débat juridique, cache également une question fondamentale sur la conception de la citoyenneté. Être marocain ne concerne pas seulement la détention unique d’un passeport. C’est surtout un appartenance culturelle, un engagement civique, un lien émotionnel profond avec un pays, ses valeurs et son avenir. Les binationaux, loin d’être des citoyens ou des individus de deuxième classe avec un patriotisme suspect, transportent souvent des ponts entre deux mondes, deux cultures, deux visions de progrès.
Selon certains observateurs, l’exclusion de binationaux prive également le pays avec des profils cosmopolites compétents, habitués aux normes internationales et capables de représenter le Maroc avec la scène mondiale. Bien que le pays vise à jouer un rôle majeur en Afrique, en Méditerranée et dans les grandes institutions internationales, cette logique de l’inter-soi politique est contraire aux questions contemporaines, pensons-nous.
Fracture durable entre le Maroc et sa diaspora
Les observateurs insistent sur le fait que la trajectoire dangereuse prise par la PJD par le biais de cette proposition doit être analysée pour ce qu’elle est: un retrait d’identité alimenté par des considérations politiques à court terme, mais avec des conséquences potentiellement lourdes. Selon eux, s’il devait être adopté, cette loi créerait une fracture durable entre le Maroc et sa diaspora, remettant en question des décennies d’efforts pour faire de Mre un pilier de la nation.
Les expatriés appellent le Maroc à rester fidèle à sa tradition d’ouverture, surtout, «dans un contexte mondial où les identités sont de plus en plus hybrides, où les frontières sont de plus en plus poreuses, et où la richesse d’un pays est également mesurée par sa capacité à intégrer ses talents de la diversité». Selon eux, le débat actuel devrait être l’occasion de renforcer les droits politiques des binationaux, de ne pas les restreindre.