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Lorsque l’alarisme militant a priorité sur la rigueur scientifique -.

Lorsque l’alarisme militant a priorité sur la rigueur scientifique -.
Lorsque l’alarisme militant a priorité sur la rigueur scientifique -.

Dans un contexte où les menaces de sécurité dominent les comptes politiques et médiatiques en Afrique de l’Ouest, certains acteurs se sont imposés comme des votes essentiels – mais pas sans controverse. Grâce à cette contribution, nous remettons en question l’approche et les productions de l’Institut Timbuktu, dirigé par Bacary Samb, dont les rapports avec un alarmiste élevé soulèvent de sérieuses questions de méthode, de transparence et d’éthique intellectuelle. Il s’agit d’un appel à la rigueur, confronté à un champ où l’approximation peut être coûteuse.

L’Institut Timbuktu, dirigé par le Dr Bacary Samb, s’est établi pendant plus d’une décennie en tant qu’acteur majeur dans le domaine de la prévention de l’extrémisme violent en Afrique de l’Ouest. Ses nombreuses publications, interventions médiatiques et ateliers avec des institutions de sécurité en font une référence dans la sphère publique. Cependant, la lecture attentive de ses relations révèle une série de lacunes profondes en termes de rigueur scientifique, ainsi qu’une tendance constante à l’alarmisme, en décalage avec les normes académiques attendues.

Le rapport le plus récent intitulé «La menace de JNIM dans les trois frontières du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal» illustre parfaitement cette orientation. Il est avancé que Jama’at Nasr al-Islam Wal Muslimin (JNIM), affilié à Al-Qaïda, intensifie sa présence dans cette zone frontalière stratégique en exploitant les faiblesses locales (tensions communautaires, flux migratoires, absence de l’État). Le rapport prétend même détecter une «infiltration silencieuse» du territoire sénégalais et appelle à une vigilance accrue face à cette menace.

Cependant, plusieurs éléments fondamentaux sape la crédibilité de ce document. Premièrement, le ton est clairement alarmiste. Il convoque des expressions chargées d’émotion («menace croissante», «présence latente», «infiltration insidieuse») qui sont plus de rhétorique militante que d’une analyse scientifique éloignée. Comme preuve, aucune de ces affirmations n’est basée sur des données vérifiables: pas d’observations sur le terrain, pas de sources primaires identifiables, pas de maintenance avec les acteurs locaux. L’expression «présence latente», par exemple, citée dans le sud-est du Sénégal, n’est soutenue par aucun élément factuel.

Ensuite, le rapport se distingue par une absence totale de rigueur méthodologique. Aucun protocole de recherche n’est exposé, aucune bibliographie ou cadre théorique n’est mobilisé. Les lecteurs restent en attente de la façon dont les données ont été collectées (s’ils l’étaient), analysées ou traversées avec d’autres œuvres. Ce défaut est récurrent dans les publications de l’Institut, qui se caractérisent par un certain imprécision méthodologique et un récit plutôt que par une présentation scientifique.

De plus, la perspective adoptée est en surplomb et désincarnée. Les réalités communautaires, les logiques d’adaptation locales, les formes d’auto-réglementation communautaire face à la violence, sont ignorées. Aucun endroit n’est réservé aux chefferies coutumières, aux chefs religieux locaux, aux jeunes ou aux femmes, mais au cœur de la dynamique sociale dans les zones frontalières concernées. En cela, le rapport renouvelle une représentation binaire du territoire: d’une part, des zones «saines» (ou disons «saint»!); de l’autre, les zones «infiltrées». Une telle dichotomie évacue les zones grises, les espaces de négociation et de résilience.

Ce biais fait partie d’une posture plus générale que l’on trouve dans plusieurs textes portés par le Dr Bacary Samb, fondateur de l’Institut Timbuktu. Pendant plusieurs années, ce dernier a adopté une position publique militante sur les questions de radicalisation, souvent à travers des stands, des entretiens avec les médias et des publications, où la préoccupation religieuse, l’urgence de la sécurité et les mélanges de discours politiques. Cette orientation entraîne une confusion entre l’activisme de prévention et l’approche scientifique, au risque de sacrifier la complexité du domaine sur l’autel de l’efficacité des médias.

Le cas du rapport de Bounkani en Côte d’Ivoire (2021) renforce cette observation. Encore une fois, l’accent est mis sur les risques de radicalisation, sans comprendre les ressorts profonds. Aucune analyse des secteurs religieux, des voyages individuels ou des politiques de développement local n’est présentée. Le discours est basé sur les peurs projetées, et non sur les diagnostics posés. Il ne s’agit pas de nier les risques réels liés à l’extension de la violence extrémiste au golfe de Guinée, mais de rappeler que leur analyse doit s’appuyer sur des données fiables, contextualisées et croisées, pour éviter les raccourcis dangereux.

Cette posture est, en réalité, l’ADN même des interventions du Dr Samb, que nous avons utilisé pour écouter un air amusé, un sourire au coin des lèvres, alors que ses logorrhees rave grouillaient à la radio et des ensembles télévisés. Dès qu’un microphone est tendu, il commence sans gants, sans retenue, et surtout sans nuance. Lors de sa dernière sortie sur RFI, suite à la publication de la menace JNIM, interrogée sur les tentatives d’infiltration djihadiste à l’est du Sénégal, en particulier dans la région de Bakel, il lance, sans même faire une pause pour respirer:

«Précisément, dans cette région de l’est du Sénégal, le principal élément de la résilience idéologique, à savoir la présence de fraternité soufie, est moins… ce domaine est dominé par la présence d’un islam salafiste de plus en plus renforcé par les réseaux de migration, avec des populations qui sont parties en Europe et qui ont eu des contacts avec les circles de la salafiste et les élégants circles et qui ne sont que de la salissation des salafistes et des déviations locales et qui sont juste Les dirigeants, par rapport à leur position peu claire sur l’esclavage par l’ascendance dans la région de Bakel.

Une déclaration qui est à la fois précipitée, caricaturée et socialement explosive, sans ancrage empirique, mais avec une valeur médiatique élevée – qui semble, hélas, l’essentiel dans son approche.

Une autre couche, et surtout, entoure l’Institut Timbuktu: celui de ses sources de financement. En lisant ses rapports, comme sur son site officiel, aucune mention explicite n’est faite des donateurs, des soutiens institutionnels ou des partenariats financiers qui soutiennent financièrement ses activités de recherche, de plaidoyer ou de communication. Cette opacité financière, en contradiction flagrante avec les principes de transparence, devient d’autant plus inquiétante, car ses productions alignent régulièrement les récits de sécurité alignés sur les intérêts de certains gouvernements ou organisations internationales. Suivez mon regard. Le manque de clarté sur l’origine des fonds soulève donc des questions légitimes: qui finance le Timbuktu Institute? Dans quel but? Et surtout, quelles influences ces flux financiers peuvent-ils exercer sur le contenu, le ton et les angles choisis dans ses analyses? À une époque où l’exigence d’éthique, d’indépendance et de traçabilité est un minimum vital dans la recherche, ce silence a un poids. Il est non seulement dérangeant, mais aussi fondamentalement incompatible avec les normes élémentaires de la responsabilité intellectuelle et publique.

Il est toujours nécessaire de reconnaître que cette opacité ne concerne pas que l’Institut Timbuktu: il se réfère à un problème structurel plus large avec lequel de nombreux groupes de réflexion africains sont confrontés. En l’absence de financement public substantiel ou de patronage local durable, de nombreux instituts de recherche dépendent presque exclusivement de donateurs internationaux – souvent occidentaux – pour assurer leur fonctionnement. Cette dépendance financière a également un poids: il peut orienter les priorités thématiques, modéliser les discours et conditionner le degré d’alignement avec les réseaux de lecture de sécurité promus par des partenaires. En fin de compte, cela soulève la question élémentaire de l’autonomie intellectuelle. Qu’est-ce qu’un discours produit sous l’influence de la valeur? Comment construire une pensée stratégique africaine si les problèmes sont dictés par l’ordre du jour des donateurs? En cela, la transparence des sources de financement n’est pas une question de formalité, mais une question politique de la souveraineté.

De plus, l’influence de l’Institut Timbuktu dans les médias et les cercles politiques est telle que ses publications sont souvent perçues comme une autorité. Cependant, leur faible valeur scientifique devrait encourager la prudence. Il est regrettable que les organismes d’orientation de la sécurité publique et de la prévention de la radicalisation soient basés sur ce type de travail, au lieu de mobiliser des universités, des centres de recherche indépendants.

Cette observation appelle à une distinction nécessaire entre l’activisme et la scientifiques. Lorsque le premier cherche à produire un effet de choc pour orienter les politiques, le second s’efforce de déconstruire, de contextualiser, d’expliquer, de mettre en perspective. Il est possible, et même souhaitable, que des instituts comme Tombuktu produisent une expertise. Mais cette expertise ne peut pas être considérée comme fiable tant qu’elle n’est pas soumise aux règles de transparence, de méthode et de réfutabilité.

Il est temps pour les universitaires africains de saisir ces questions avec rigueur, nuance et indépendance. Face à la complexité de la dynamique de l’extrémisme violent, il ne suffit plus de produire des discours provoquant l’anxiété: il est nécessaire de produire des connaissances vérifiables, construites avec les acteurs sur le terrain et capables d’illuminer durablement des choix politiques.

Ce n’est donc pas simplement une question de critiquer un homme, un institut ou plus de rapport, mais de faire une exigence fondamentale: celle de la responsabilité intellectuelle et scientifique dans un domaine aussi sensible que celui de la sécurité. Parce qu’en déroutant la communication, l’expertise et la foi médiatique, nous finissons par affaiblir les véritables difficultés, discréditer les acteurs sérieux et brouiller les lignes de fracture qui nécessiteraient sur la précision, la rigueur et le discernement contraires. La sécurité ne peut pas seulement être laissée aux fabricants d’opinions. Il doit être éclairé par des connaissances solides, produites avec, depuis lors, et pour les entreprises concernées. Sinon, ce n’est pas seulement la science que nous trahissons – C’est la paix elle-même que nous compromettions.

Thierno bachir et

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