À Dakar, la capitale du Sénégal, le CRCF Training and Research Center est un bâtiment discret, que les résidents ont du mal à nous le dire. En Afrique de l’Ouest, c’est cependant une référence essentielle dans la lutte contre le VIH. Dans son bureau, ce mardi matin, le docteur Rassol Diouf reçoit Ibra *, un patient séropositif qui assiste à la structure de santé depuis plus de dix ans. Il se produit ici, chaque trimestre, un examen de santé, avant de renouveler sa prescription pour bénéficier des antirétroviraux.
Ces médicaments bloquent la propagation du VIH dans le corps et empêchent le développement des maladies du sida. «Je connais le docteur Diouf depuis de nombreuses années», explique Ibra. Il est à la fois mon médecin et mon psychologue. Dès que j’ai de l’anxiété à l’égard du traitement ou à ma vie quotidienne, je me confie à lui. »»
Demantle de l’USAID
Depuis sa création en 2005, le CRCF a pu tisser de solides liaisons de confiance avec ses patients. Il faut dire que le Sénégal est un modèle, en Afrique, dans la lutte contre le VIH. C’est le premier pays du continent à avoir adopté des médicaments antirétroviraux libres en 2003.
«Mais le système est basé sur un équilibre précaire, car le gouvernement sénégalais ne finance pas suffisamment la lutte contre le sida, les nuances docteur Khoudia Sow, anthropologue au CRCF. Nous devons compter sur le financement des donateurs étrangers, à plus de 70%.» »
Cependant, à la fin de février 2025, une décision politique a clairement fait pencher l’équilibre du mauvais côté. Aux États-Unis, l’administration de Donald Trump a agi le démantèlement de l’USAID, l’agence fédérale pour l’aide au développement international et a supprimé presque tous ses fonds à l’étranger. L’institution américaine à elle seule représentait près de la moitié de l’aide humanitaire mondiale. Au Sénégal, elle a financé, jusqu’à 28%, le programme national de lutte sur le sida.
Un risque que le virus du VIH commence
Entre autres ressources, l’USAID a permis aux structures de santé d’obtenir des médicaments antirétroviraux. Désormais, les structures de santé sénégalaises sont plongées dans l’incertitude. Parmi leurs principaux donateurs, l’organisation du Fonds mondial assure temporairement la succession, afin de maintenir les stocks d’antirétroviraux et de garantir leur gratuité. Mais que sera-t-il dans trois mois?
«Beaucoup de nos patients sont paniqués et nous attaquent sur les questions», poursuit le docteur Khoudia Sow. Au Sénégal, seulement 53% de la population est couverte par l’assurance maladie. Si les antirétroviraux ne sont plus libres, beaucoup de gens devront compter sur la solidarité familiale pour l’acheter, et ils devront peut-être arrêter le traitement. »»
Le risque est également génial de voir l’épidémie de VIH monter après des décennies de mobilisation pour la contenir. Au Sénégal, le virus n’affecte que 0,3% des habitants et affecte en particulier les personnes homosexuelles. Une double pénalité pour cette population déjà très marginalisée dans le pays. En fait, le Code pénal sénégalais punit avec une à cinq ans d’emprisonnement le soi-disant «contre nature avec un individu de son sexe».
Pour soutenir cette population vulnérable, le programme American Pepfar [plan d’aide d’urgence à la lutte contre le sida à l’étranger] a permis de déployer des centaines de médiateurs dans le pays, grâce au financement de l’USAID. La décision de l’administration Trump, fin janvier, a interrompu tous les contrats de ces acteurs locaux du jour au lendemain.
«C’est dramatique parce que les médiateurs sont ceux qui aident les personnes séropositives à surmonter la honte et à franchir la porte de l’hôpital, déplore le docteur Rassol Diouf. Ils participent au dépistage des populations à risque, assurent leur suivi médical… ils font également la prévention, afin que le virus ne soit pas transmis à des enfants.
* Le prénom a été modifié.
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